

Pour finir provisoirement avec les addictions et les drogues, je voudrais parler d’un autre phénomène que je comprends mal : celle du «binge drinking» (certains l’appellent la «biture express», qui consiste à boire des quantités énormes d’alcool en peu de temps, qui vous laissent souvent ivre mort et causent parfois des comas éthyliques). Ces excès ne sont pas pris en compte dans la statistique sur l’alcoolisme et ne sont pas une véritable addiction, mais plutôt un phénomène de société.
J’avoue que c’est un comportement que je n’arrive pas à comprendre.
Je ne vois pas l’intérêt, ni le plaisir, qu’apporte le fait d’être complètement ivre, et ceci en groupe : pour moi c’est un comportement moutonnier et immature.
Je comprends que quelqu’un qui a de gros chagrins se saoule pour oublier. Toutefois, cela ne résout rien car une fois le phénomène passé, la raison du chagrin est toujours là, le chagrin aussi et en plus les conséquences physique de la biture sont désagréables.
Je comprends que quelqu’un d’inexpérimenté se laisse entraîner un jour pour faire comme tout le monde et soit ivre car il n’a pas su maîtriser à temps la quantité d’alcool.
Mais se saouler ainsi sans raison, uniquement par jeu et par bravade devant les copains me paraît vraiment comme une absence de réflexion et d’intelligence. Une sorte d’acceptation de l’esclavage vis à vis de l’opinion des copains, et une sorte de harcèlement moral.
Cette coutume serait uniquement le fait de gens grossiers ou peu intelligents, j’y trouverais au moins une cause, mais j’ai vu des gens très intelligents s’adonner à ce jeu idiot.
J’ai l’impression que certains jeunes ne seront jamais adultes et restent des ados irresponsables.
Je ne comprends pas comment un être intelligent peut accepter d’être ramené ainsi à l’état de bête, de légume, sans intelligence, sans volonté et à la merci de n’importe quoi.
Certains ont l’air d’en être fiers, moi j’en serais mort de honte, de me montrer aussi dégradé et je me sentirais coupable vis à vis de moi même, de ma qualité d’humain.
Mais c’est vrai qu’on ne cultive plus la mémoire, et qu’ils ne se souviennent de rien après leur beuverie.
Quelle fierté éprouver à se montrer ainsi minable ?
Je me souviens d’un camarade, élève d’une grande école et supposé intelligent, qui avait trop bu dans une soirée, mais était encore très conscient et, pour se remettre en forme, plongeait la tête dans la cuvette des wc et se tirait la chasse d’eau pour se rafraichir les idées. L’image de cette personne pour laquelle j’avais beaucoup d’estime, se montrant ainsi dans un état pitoyable d’impuissance, m’a profondément marqué et m’a protégé toute ma vie, contre tout excès d’alcool même léger.
Une autre image plus récente : celle d’une voiture qui, à la sorite d’une boite de nuit, est allée s’écraser contre un arbre, et les quatre jeunes occupants, qui avaient dû trop boire, étaient dans un état affreux, et deux d’entre eux ne sont jamais revenus à la vie, et un troisième est paralysé.
Je n’ai pas trouvé dans les revues ou dans les compte rendus d’études que je lis, d’explication concernant la motivation de ces jeunes. Donc je reste sur ma soif de comprendre.
Par contre j’ai trouvé de nombreux articles sur les inconvénients de cette pratique.
Le plus courant est certainement les accidents de la circulation avec un conducteur en état d’ivresse. Les bagarres, paris idiots et accidents qui peuvent en résulter.
Pour ceux qui ont vraiment trop abusé, le coma éthylique qui peut entraîner la mort.
Mais des études récentes mettent en lumière des effets à moyen terme, surtout quand cette pratique touche des adolescents.
Des modifications de la substance grise (les neurones) et de la substance blanche (les axones entourés de myéline) ont été perçus par IRM.
L’usage répété de ces pratiques semble réduire le fonctionnement de l’hippocampe d’une part, qui est l’intermédiaire presque obligé de la mémoire, tant à l’acquisition qu’à la restitution du souvenir, ainsi que du cortex préfrontal, à la base de toute prévision, réflexion et organisation.
Il semble que des perturbations soit produites dans la communication entrele cortex et le cerveau émotionnel, ainsi que dans le fonctionnement du système de récompense.
Le «binge drinking» serait ainsi un élément déclencheur possible de l’expression des gênes prédisposant à l’addiction à l’alcool et favoriserait ainsi l’apparition de cette addiction.
Je crains que le développement à outrance des médias et l’attirance des réseaux sociaux n’ai développé tellement la volonté d’appartenance à un groupe, et la peur d’en être exclu, que certains sont devenus totalement inconscients des dangers qu’ils courent et de l’impression de déchéance que l’on ressent quand on n’est plus maître de sa volonté et de ses actions.
Je pense que je comprends mal leurs raisons, car j’avais moi même ce sentiment d’appartenance à un groupe (d’étudiants, d’une école d’ingénieurs par exemple) ou à une équipe (dans le travail), mais que ce sentiment ressemblait plus à celui d’appartenance à une famille et obligeait à garder un comportement qui donne une bonne image, à soi même comme aux autres, de soi-même et du groupe.