Avec 2% des émissions mondiales de CO2, soit autant qu’un pays comme l’Allemagne, le trafic aérien est un facteur non négligeable du réchauffement climatique, et en tablant sur un triplement du trafic mondial d’ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre du secteur pourraient être multipliées par trois ou quatre.
Biodiesel, électricité, restes de plateaux-repas transformés en carburant…, les idées ne manquent pas pour donner à l’aéronautique des reflets verts, mais ce n’est pas si simple que cela. La dernière goutte de pétrole sur Terre ira probablement dans un avion commercial à long rayon d’action.
On a beaucoup parlé de l’avion « solaire », mais c’est un leurre. Quand on calcule l’énergie nécessaire à un long courrier, il faudrait que l’avion ait une surface de dix terrains de foot au moins pour implanter des panneaux solaires, ce qui est ridicule.
On a fait des essais avec des biocarburants réalisés à base de sucre de canne et ce serait une solution possible, qui certes rendrait moins dépendant du pétrole, mais ne résoudrait pas le problème d’émission de gaz à effet de serre et par ailleurs utilise des ressources utiles à l’alimentation des hommes.
Une étude intéressante a cependant été présentée à la télévision il y a quelques semaines : un avion électrique à batteries l’E-FAN. Sa présentation officielle à Arnaud Montebourg, a eu lieu le 25 avril à Bordeaux Mérignac.
Certes c’est un tout petit avion, mais c’est une première avancée. Il mesure 6 mètres de long, 9,5 mètres d’envergure, il est capable d'atteindre 220 km/h et 160 km/h de vitesse de croisière et dispose d'une heure d’autonomie. Il décolle à 110 km/h. Il peut emmener deux personnes. Il pèse entre 550 et 600 kg au décollage.
C’est Airbus-group (EADS), qui a lancé cette étude, et a ensuite fédéré plusieurs entreprises :
- la PME Aéro Composites Saintonge (ACS), spécialiste dans la mise en œuvre de matériaux composites, et qui assure, dans son atelier de Saint Sulpice de Royan, la transformation de tous les matériaux composites à matrice thermo-durcissable (résines polyester, vinylester, époxy, fibres de carbone …). Elle a déjà travaillé sur des ULM, sur des projets de dirigeables et de drônes, et de très petits avions monoiplaces classiques ou électriques comme « CRICRI ».
Elle a fabriqué une structure remarquable en fibre de carbone pour l’E-FAN, fuselage et ailes, qui ont été entièrement dessiné et conçus pour la propulsion électrique, notamment au plan aérodynamique et qui est extrêmement légère.
C’est son pilote d’essai qui a effectué en mars 2014 les premiers vols d’essai.
- la grosse société SAFRAN, peu connue du grand public, qui connaissait mieux les deux sociétés qui ont fusionné en 2005 : SNECMA, fabricant de réacteurs pour avions et SAGEM,spécialiste de mécanique, d’électricité et d’électronique, très célèbre pour ses centrales inertielles équipant de nombreux avions et fusées civils et militaires.
SAFRAN est en charge de l'ensemble moteur, deux propulseurs électriques de 60 kw, actionnant des hélices carénées pour atténuer le bruit et accroître le rendement et la sécurité.
En outre on peut alimenter un troisième moteur au décollage, qui propulse directement les roues et permet donc de gagner plus vite en vitesse.
- le CEA et la société SAFT, spécialiste de piles et batteries, qui a conçu des batteries lithium-ion, qui fonctionnent sous 250 volts, situées dans le début des ailes (120 cellules de 4 volts et 40 ampère-heure).
- la société Zodiac chargée de la gestion de la distribution électrique,
Airbus Group, maître d'œuvre, sous-traitera auprès de
Daher-Socata, concepteur d'avions d'affaires légers, le développement, l'industrialisation, les essais en vol et la certification de l'E-fan, en liaison avec la Direction Générale de l’Aviation Civile.
Daher Socata développera deux avions l’E-Fan2 et L’E-Fan4 de 2 et 4 places, qui seront fabriqués dans une nouvelle usine à Mérignac à partir de 2018. Il est prévu d’en produire environ 80 par an.
La complexité d'un tel projet, c'est de trouver la bonne solution pour les batteries, car elles pèsent lourd et plus on ajoute des kilos, plus on fait perdre de l'autonomie à l’avion, et actuellement, pour avoir l'énergie apportée par 1 kilo d'essence, il faut 30 kilos de batteries. On espère atteindre une autonomie d’au moins 3 heures d'ici deux ans.
L’E-fan devrait servir essentiellement d’avion école et d’entraînement, car son autonomie est compatible avec la durée de leçons de pilotage, et il ne consomme en une heure que 2 € d’électricité contre 40 € de carburant environ.
De plus le bruit sera très faible, alors que c’est le principal grief vis à vis des petits aéroclubs.
Le marché est porteur car on estime qu’il faudra former 650 000 pilotes dans les 20 prochaines années.
EADS ambitionne de créer un appareil de 90-100 sièges disposant d'un système de propulsion hybride électrique + biocarburant pour le marché régional, qui volerait en 2030/2050 sur des vols inférieurs à deux heures. Une turbine à gaz propulsée par le biocarburant et située à l’arrière de l’appareil rechargerait les batteries électriques.
Mais il faut voir que la consommation électrique d’un tel avion, est voisine de celle de plusieurs milliers de foyers.
L’étude ne sera pas simple, mais c’est un vrai challenge passionnant. Dommage que je sois si vieux. J’aurais aimé y participer !!.
