
Je voudrais d’abord répondre à une question qu’on m’a posée plusieurs fois depuis hier, par com ou par mail.
Les études que j’ai mentionnées ont été faites par des chercheurs sur des personnes qui étaient des anorexiquesavérées, qui cherchaient systématiquement à ne pas manger depuis plusieurs mois, afin que les constatations soient significatives et nettes.
Il est certain que le plupart des jeunes que je connais n’en sont pas là et ont simplement peu envie de manger quand elles sont stressées. Les conséquences sont donc moins graves mais le danger d’addiction est présent, si elles persistent dans leur comportement.
Des études ont été faites aussi sur des personnes qui n’étaient pas encore au véritable stade de l’anorexie. Elles manifestaient aussi des comportements faisant penser que leur système de récompense ne fonctionnait plus correctement, mais les phénomènes étaient moins nets.
Les conséquences sur le cerveau de la faim, chez des personnes qui ont jeûné longtemps sont connues et totalement différentes : c’est une excitation de centres de l’hypothalamus, qui ont tendance à provoquer au contraire une sorte de boulimie passagère. Chez des souris on peut bloquer cette boulimie en déclenchant une capture de la sérotonine par les centres d’apprentissage au moyen de produits chimiques qui “débloquent” le récepteur correspondant.
Je vous ai donné hier une idée du mécanisme de l’anorexie dans le cerveau mais cela n’en indique pas les causes initiales. c’est ce dont je voudrais parler aujourd’hui. Ceci devrait aussi répondre à certaines questions posées.
Les chercheurs ont souvent examiné la piste génétique en pensant à des variantes de gènes qui prédisposeraient telle ou telle personne à devenir anorexique.
Des gènes ayant une grande variété d'effets sur le cerveau sont actuellement pressentis. On suspecte par exemple certains gènes responsables de la production d'un récepteur de la sérotonine, ou d'un récepteur de la dopamine, ou encore d'une protéine qui joue un rôle global dans la croissance des jeunes neurones et dans « l'entretien » des neurones adultes.
Des études sont faites aussi sur des vrais et faux jumeaux anorexiques et laissent penser que certains gênes prédisposeraient à l’anorexie, sans que cette prédisposition ait pour conséquence certaine le “maladie”.
Certains cehercheurs s’intéressent aussi aux gênes impliqués dans l’anxiété et les obsessions.
Pour que l’anorexie se manifeste chez les personnes prédisposées, il faudrait d’abord que les gênes en cause “s’expriment” (c’est à dire donnent lieu à des transformations chimiques : il faudra qu’un jour je vous explique ce qu’est l’expression d’un gène.).
Ces recherches en sont à leur début.
D’autres investigations ont mis en lumière que les filles étaient dix fois plus sujettes à l’anorexie que les garçons, jamais avant la puberté et surtout que le déclenchement des premiers symptômes avaient souvent lieu entre 15 et 19 ans.
Une étude faite sur 772 jumelles de 12 à 18 ans aux USA, a montré que les changements hormonaux jouaient un rôle certain dans l’apparition des tendances anorexiques et qu’il y avait probablement concommitance entre ces changements hormonaux et l’expression des gênes de prédisposition à l’anorexie (on ne sait pas ici quelles sont les relations de cause à effet).
L’étude a montré également que l’effet était plus prononcé chez les jeunes filles porteuses de gênes prédisposant à l’anxiété, au perfectionnisme et au caractère obsessionnel.
Ce qu’ont également montré ces recherches, c’est qu’il y avait presque toujours un point de départ dans la tendance anorexique, qui était une détresse émotionnelle.
Les chercheurs pensent qu’un ou des traumatismes psychologiques peuvent déclencher l’expression des gênes de l’anorexie ou d’autre gênes liés comme ceux qui président à la captation de la sérotonine par les centres de récompense.
Une exception toutefois pour quelques personnes telles que mannequins ou sportifs qui veulent maigrir pour des raisons professionnelles et ensuite se sont retrouvées anorexiques parce que prises au piège de l’addiction.
Des études de la personnalité d’anorexiques ont montré que 80 à 90 pour cent des anorexiques décrivent des problèmes d'anxiété avant même le déclenchement de la maladie, un certain perfectionnisme, marqué par un besoin d'éviter les comportements ayant des conséquences négatives (une prise de poids, par exemple), et une focalisation sur des buts bien précis à atteindre.
Les anorexiques sont angoissés par le fait de prendre du poids, ils s'imposent des exigences draconiennes pour répondre aux contraintes, par exemple le standard de minceur affiché dans les médias ou le monde de la mode, et se fixent des buts en conséquence, qu'il s'agit de poursuivre sans relâche.
Leurs centres de récompense leur font rechercher une forme anormale de plaisir. Il s'agit surtout d'éviter certaines émotions négatives, telle une anxiété intense ou une souffrance associée au sentiment d'être critiqué ou mal perçu.
De ce point de vue, l'anorexie n'est pas tant un problème de régime qu'une question de « gestion affective » : il s'agit, pour la personne de faire face à une forme de détresse émotionnelle, un sentiment d'imperfection ou d'infériorité dont elle va tenter de se guérir en se rendant irréprochable, plus maigre encore que ce que préconisent les canons sociaux ambiants.
J’ai eu et j’ai encore des jeunes correspondantes qui ont des tendances anorexiques et je dois dire que, pour aucune de ces personnes, la vie n'est gratifiante et j’ai retrouvé chez elles beaucoup des caractéristiques psychologiques que citent ces études.
Dans le prochain article, mercerdi, j’essaierai d’examiner que faire face à l’anorexie.
Mais compte tenu de nos connaissances trop récentes sur le fonctionnement du cerveau et la génétique, le moyen le plus important sera, on le verra , la lutte contre les traumatismes émotionnels qui ont déclenché cette tendance.